Suisse
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Avec une population de 7,5 millions d’habitants, la Suisse fait partie des plus petits pays d’Europe et peut être comparée à la municipalité de Londres (7,5 millions). C’est une fédération composée de 26 cantons (FSO, 2008) ayant un fort degré d’autonomie. Elle est également divisée en quatre régions linguistiques et culturelles : la Suisse alémanique (5,1 millions d’habitants), la suisse francophone (1,8 million), la suisse italophone (325 000) et la suisse romande (35 000). Le consensus politique entre ces régions culturelles est difficile à réaliser et prend énormément de temps.
Pour cette étude, des données de base ont été recueillies auprès de l’Office fédéral des communications (OFCOM), l’Office fédéral des statistiques suisse (FSO) et le Délégué fédéral à l’informatique. Il existe toute sorte de documents sur les questions liées au développement et à la situation de la société nationale de l’information qui proviennent de différentes sources (gouvernementales et non gouvernementales). Le gouvernement fédéral a annoncé sa première stratégie sur la société de l’information en 1998 – une stratégie que certaines parties prenantes jugent « ambitieuse ». Elle a été révisée en janvier 2006 (OFCOM, 2006), mais continue d’être critiquée par la société civile en raison de son « approche trop pragmatique et qui manque de vision » (Ludwig, 2006). Le gouvernement a joué un rôle actif dans le processus du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) entre 2002 et 2005 puisque la Suisse a accueilli le premier sommet en décembre 2003 à Genève. La Suisse a été alors un des seuls pays à inclure la société civile dans sa délégation gouvernementale (tout au moins pendant la phase de Genève).
La Suisse a pris conscience des défis et des possibilités économiques que représentent les technologies de l’information et de la communication (TIC) à la fin des années 1990, mais les attentes considérables à leur égard ont été déçues après l’effondrement du secteur « dot.com » qui a suivi le premier élan d’enthousiasme pour la « Nouvelle économie ». Pour mieux évaluer l’importance économique et sociale et les implications des TIC, le FSO a commencé à réunir, vérifier et publier systématiquement des données au fil des années. En 2004, le FSO a mené une enquête appelée Usage de l’internet par les ménages en Suisse. Pour la première fois, il a utilisé le questionnaire modèle (Enquête communautaire sur l’usage des TIC) recommandé par les autorités statistiques de l’Union européenne, Eurostat, afin d’améliorer la comparabilité des indicateurs et des résultats dans un contexte européen. L’enquête a surtout porté sur l’accès aux technologies et sur les niveaux d’usage dans les ménages suisses (membres de la famille à partir de 15 ans). Les résultats ont été publiés en 2006 (FSO, 2006). Selon Yves Froidevaux, collaborateur scientifique au FSO, des données complémentaires sont recueillies régulièrement par des institutions privées de recherche sur l’internet comme WEMF/REMP[1], NET-Metrix[2] et IGEM/Publica Data AG[3]. La prochaine enquête du FSO devrait se dérouler en 2010.
Les données et les indicateurs recueillis pour ce rapport ont été vérifiés par d’autres sources, notamment des membres du gouvernement, des entreprises et de la société civile. Plusieurs interviews ont été menées avec des fonctionnaires, des membres de la société civile et des experts de l’Académie suisse des sciences techniques (SATW)[4]. Le rapport avait pour but principal d’établir s’il y avait des différences et des contradictions possibles entre les stratégies nationales, les plans d’action, les indicateurs et les diverses intentions des parties prenantes et les réalités sur le terrain concernant la mise en oeuvre de la société de l’information en Suisse. Notre questionnaire mettait l’accent sur l’accès à l’infrastructure, la fracture numérique et l’exclusion des groupes marginalisés.
La Suisse est connue pour sa richesse et son infrastructure technique de relativement bonne qualité qui recouvre la majorité du pays. Selon l’Indice de diffusion des TIC du rapport sur la fracture numérique 2005 (UNCTAD, 2006) de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (UNCTAD), le classement de la Suisse est passé de la 14e place en 1997 à la 5e en 2001 et à la 7e en 2004.
Dans la deuxième moitié des années 1990, la téléphonie mobile a connu une croissance considérable en Suisse. Le boom des applications, associé aux progrès des technologies internet, a eu des répercussions sur l’infrastructure nationale. Le nombre de lignes connectées au réseau de téléphone public commuté (RTPC) a continué d’augmenter jusqu’en 1995, mais la technologie a pris le dessus. Les technologies analogiques étaient lentement mais sûrement remplacées par les technologies de réseau numérique à intégration de services (RNIS) (FSO, 2007).
En 2005, plus de 62 % des internautes avaient accès à l’internet par la large bande : 1,7 million de Suisses étaient abonnés à une connexion à large bande, soit un taux de pénétration de 23 abonnés pour 100 habitants. Selon ces chiffres, la Suisse ferait partie des pays de tête de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (la moyenne étant de 13,6 pour 100 habitants) mais derrière la Corée, les Pays-Bas et le Danemark, où plus de 25 % de la population a accès à la large bande (FSO, 2007).
En 2006, environ 71,8 % de la population de plus de 14 ans disaient avoir utilisé l’internet au moins une fois dans les derniers six mois. Ces gens représentent le « grand cercle » d’utilisateurs. Pendant cette même période, environ 48,3 % des personnes interrogées ont déclaré utiliser l’internet quotidiennement ou presque (grands utilisateurs). Environ 12,3 % ont dit l’utiliser plusieurs fois par semaine (utilisateurs moyens). Ces deux derniers groupes constituent le « cercle restreint ».
En 1997, seulement 7 % de la population utilisaient l’internet régulièrement. Ce chiffre est passé à 57,3 % en 2005 et à 60,6 % en 2006 (FSO, 2007).
D’autres indicateurs montrent une hausse des dépenses des ménages consacrées au matériel et aux services de TIC : en moyenne 294 francs suisses par mois – plus ou moins le même montant en dollars – soit 3,8 % des dépenses totales des ménages en 2004 (FSO, 2007).
Selon les dernières données de NET-Metrix-Base (2008), environ 77 % de la population de plus de 14 ans ont utilisé l’internet dans les derniers six mois. Si l’on compare avec les pays germanophones voisins, l’Autriche (69 %) et l’Allemagne (63 %), la Suisse les devance en termes de pénétration de l’internet (NET-Metrix-Base, 2008). Mais ce n’est qu’un aspect de la situation. Des distinctions dans l’accès et l’usage restent évidentes quand on y regarde de plus près. L’enquête du FSO sur les ménages de 2004 conduit à trois grandes conclusions:
- Il existe un écart marqué dans l’accès internet entre les ménages en raison des disparités dans les revenus et l’éducation. Les deux variables étant étroitement liées, le manque de compétences est une raison fondamentale des différences dans l’usage de l’internet.
- L’âge, le sexe et l’éducation sont des variables importantes dans la fracture numérique. L’internaute typique est un homme jeune ayant fait des études. Dans l’ensemble, l’utilisation de l’internet augmente dans les groupes auparavant exclus. Mais la fracture numérique persiste et s’intensifie même pour ceux qui ont de faibles revenus et des niveaux d’éducation inférieurs. Cette fracture qui va s’élargissant s’observe également au niveau européen (Demunter, 2005).
- Un grand nombre de ménages possédant un ordinateur ne sont toujours pas connectés à l’internet et ne veulent pas l’être, ce qui s’explique par le coût d’accès élevé et le manque de compétences.
Dans les années 1990, de plus en plus de jeunes se sont lancés dans les professions liées aux TIC et les ont étudiées à l’école secondaire ou à l’université. Mais depuis 2004, cette tendance s’est inversée (FSO, 2007). On recrute actuellement moins de professionnels des TIC chaque année (2 500 diplômés) par rapport au nombre de ceux qui partent (plus du double). Les experts mettent cela sur le compte d’un « manque de continuité dans le programme d’enseignement » ou parlent d’une « mauvaise réputation des professionnels des TIC ». Des mesures sont prises pour remédier à cette situation, mais il faudra peut-être des années avant d’en voir les résultats. La sous-traitance des TIC est maintenant chose courante dans les entreprises suisses (NZZ Online, 2007a).
Les disparités dans l’accès ne sont pas fondées sur la culture ou la langue, mais suivent des distinctions socioéconomiques bien connues comme l’âge, le sexe, les revenus et l’éducation. Par exemple, le fait que l’accès dans la Suisse italienne (Ticino) diffère des autres régions linguistiques est expliqué par les structures d’âge régionales plutôt que par la langue (ou même le revenu). D’autres groupes vulnérables qui ne sont pas intégrés au monde numérique sont les personnes handicapées, les familles monoparentales ou les immigrants.
L’Access For All Foundation affirme que les technologies contribuent à réduire les obstacles, mais qu’elles en créent également de nouveaux[5]. La fondation se consacre à éliminer ces obstacles et se voit comme un lien entre le gouvernement, le secteur des TIC et les personnes désavantagées, dont les personnes handicapées. Elle est également le bureau de certification indépendant des sites web accessibles en Suisse. Les normes d’accessibilité conformes à celles du World Wide Web Consortium existent, mais selon une enquête récente de la fondation, de nombreux sites web officiels des cantons et municipalités ne sont toujours pas adaptés aux personnes handicapées. Ceux du gouvernement fédéral et de ses bureaux sont parmi les meilleurs (NZZ Online, 2007b).
La part des adultes âgés de plus de 50 ans qui utilisent l’internet régulièrement reste remarquablement faible : seulement 37 % appartiennent au cercle restreint d’après les chiffres de WEMF/REMP pour 2006[6]. Le Conseil suisse des seniors (SSR)[7]voit dans cette situation une « bombe à retardement » (NZZ Online, 2007b).
Le marché suisse des télécoms s’est considérablement libéralisé depuis quelques années. Outre Swisscom, qui occupe traditionnellement une position dominante, il existe plusieurs autres entreprises privées dans les secteurs de la téléphonie fixe et mobile dont les parts de marché augmentent. Certains observateurs prétendent que la récente libéralisation du dernier kilomètre – auparavant contrôlé par Swisscom – pourrait stimuler la concurrence sur le marché des TIC et améliorer les options d’accès. Mais les acteurs de la société civile ne sont pas tous d’accord avec cet argument. Certains craignent une réduction des services publics dans les régions périphériques et montagneuses du pays.
La qualité de l’infrastructure (large bande à haut-débit) et l’amélioration de l’accès pour la majorité de la population suisse dans les différentes régions du pays sont évidentes. Mais l’accès à l’internet et son utilisation ainsi que les services en ligne diffèrent en fonction de l’âge, du sexe, du revenu et de l’éducation de même que chez les personnes handicapées.
KLa dernière stratégie gouvernementale s’intéresse plus particulièrement aux améliorations à apporter dans les domaines de la télésanté[8]et du gouvernement en ligne[9]. Le FSO a également lancé un réseau pour l’intégration numérique en Suisse (OFCOM, 2007). La Commission nationale des communications a commencé à promouvoir la fibre à domicile (FTTH), qui n’a pas encore fait ses preuves en ce qui concerne l’accès des entreprises et des utilisateurs finaux (OFCOM, 2008).
Selon une stratégie nationale (OFCOM, 2006), le gouvernement suisse a lancé un certain nombre de projets ces dernières années, comme le Net à l’école, qui a pour objet d’installer des ordinateurs dans les écoles. Mais ce projet a été retardé par l’absence de programmes de formation pour les enseignants (Ludwig, 2006).
Malgré ces initiatives et d’autres, les acteurs de la société civile expriment leurs préoccupations au sujet de l’accès ouvert, des normes ouvertes, de la protection de la vie privée et des données, de la sécurité et de la confiance, de la pornographie infantile, de la violence sur les mobiles, de la connaissance de l’internet, des abus de la propriété intellectuelle et des modèles de licences générales (ou la création d’un cadre juridique pour des licences publiques communes comme Creative Commons).
Certains observateurs notent un « manque de coordination à différents niveaux » ou la « dispersion des activités » au sein du gouvernement, en particulier en raison de la structure politique fédérale du pays. Comme nous l’avons vu, ils estiment souvent que la coordination, le consensus politique et la mise en œuvre aux différents niveaux, ainsi que dans les différentes régions linguistiques de la Suisse, sont difficiles, prennent du temps et sont inefficaces. Par rapport à des pays voisins centralisés comme la France ou l’Autriche, la Suisse a une longue tradition de consultations publiques dans presque tous les domaines de la société. Réaliser un consensus parmi les différents groupes d’intérêt est un paramètre des politiques au niveau national et est considéré comme un pilier de l’identité nationale – et une fois qu’une décision est prise, elle est largement approuvée et acceptée.
Pour OFCOM, le processus du SMSI a été une étape marquante de la diplomatie multilatérale. Les délégués suisses continuent de promouvoir l’approche multipartite ainsi que la participation de la société civile et des entreprises aux organisations internationales comme l’Union internationale des télécommunications (UIT), l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) et l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) (OFCOM, 2006).
Comunica-ch et d’autres acteurs de la société civile ont recommandé l’amélioration des structures de suivi portant sur la société de l’information et la création d’un observatoire national composé des différentes parties prenantes.
Plusieurs initiatives multipartites du milieu universitaire et d’affaires (comme l’Année nationale de l’informatique 2008) encouragent la mise en œuvre cohérente de la stratégie nationale sur la société de l’information. Il est également prévu de créer des forums de discussion comme le Forum sur la gouvernance de l’internet (FGI) au niveau national ou régional pour renforcer la coopération entre les parties prenantes et pour favoriser les projets communs sur les questions émergentes de la société de l’information. Le Dialogue européen sur la gouvernance de l’internet (EuroDIG) peut être un modèle à cet égard.
Access For All Foundation: www.access-for-all.ch
Demunter, C., Fracture numérique en Europe: Statistique en bref, Bruxelles, Eurostat, 2005.
FSO (Bureau fédéral des statistiques), Internetnutzung in den Haushalten der Schweiz, Ergebnisse der Erhebung 2004 und Indikatoren, Neuchâtel, FSO, 2006.
FSO, Indikatoren zur Informationsgesellschaft Schweiz, Neuchâtel, FSO, 2007.
FSO, Statistical Yearbook of Suisse 2008, Neuchâtel, FSO, 2008.
IGEM/Publica Data AG: www.publicadata.ch/index.cfm?page=3&lang=D
Ludwig, W., Die neue Strategie für eine Informationsgesellschaft Schweiz, Medienheft, 23 mai, 2006. Voir à :www.medienheft.ch/politik/bibliothek/p25_LudwigWolf.html
NET-Metrix-Base, Internetstudie NET-Metrix-Base 2008-1, Zurich, NET-Metrix AG, 2008.
NZZ Online, Informatiker sucht das Land, Neue Zürcher Zeitung Online, 5 novembre, 2007a. Voir à:www.nzz.ch/nachrichten/zuerich/aktuell/informatiker_sucht_das_land_1.579712.html
NZZ Online, Digitaler Graben zwischen den Generationen, Neue Zürcher Zeitung Online, 17 décembre, 2007b. Voir à: www.nzz.ch
OFCOM (Office fédéral des communications), Le Conseil fédéral adopte une stratégie révisée pour une société de l’information en Suisse. Communiqué, 23 janvier, 2006. Voir à: www.bakom.admin.ch/dokumentation/medieninformationen/00471/index.html?lang=en&msg-id=2252
OFCOM, e-Inclusion – Eine Informationsgesellschaft für alle, 2007. Voir à:
www.uvek.admin.ch/dokumentation/00474/00492/index.html?lang=de&msg-id=15596
OFCOM, Glasfasernetze bis in die Haushalte: konstruktive Diskussionen. Communiqué, 9 mai, 2008. Voir à: www.bakom.admin.ch
SATW (Académie suisse des sciences techniques): www.satw.ch
SSR (Schweizerischer Seniorenrat): www.ssr-csa.ch
UNCTAD (Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement) (2006) Rapport sur la fracture numérique : Indice de diffusion des TIC 2005, New York et Genève, Nations Unies, 2006.
Voir à: www.unctad.org/en/docs/iteipc20065_en.pdf
WEMF/REMP: www.remp.ch/de/internet/index.php